Un pistolet enfoncé dans la bouche, le commandant Patrick Nebout est forcé de s’agenouiller devant son agresseur qui, ouvrant sa braguette, lâche « j’ai toujours rêvé de me taper un flic ». La scène, éprouvante, sera diffusée mercredi sur France 3 à 20h20 (et dès ce lundi en avant-première sur Salto), dans « Plus belle la vie », une série qui n’a jamais eu peur par le passé de traiter de sujets sensibles ou tabous, comme la gestation pour autrui ou le mariage pour tous. Cette fois, pour aborder la question des violences sexuelles faites aux hommes, le comédien Jérôme Bertin, qui interprète le policier, a longuement rencontré des victimes, grâce à l’association Les Résilientes qui anime un groupe de parole dédié.
Quand la production lui a proposé l’intrigue, il y a deux ans, Jérôme Bertin n’a pas hésité longtemps. « C’est vraiment un sujet de société très fort, qui va certainement nous permettre de libérer la parole des hommes qui se font violer en France. Parce que c’est un sujet un peu tabou, on en parle très peu. » Tellement peu que l’ancien journaliste a eu toutes les peines du monde à trouver des informations fiables sur le sujet. Il résume : « Chaque jour, en France, il y aurait entre 7 et 40 hommes qui sont violés ou victimes d’agressions sexuelles. Chaque jour. En France. C’est énorme. Mais vous vous rendez compte de la fourchette : entre 7 et 40. Ça veut dire le peu de précision dont on dispose ! On est peut-être à la préhistoire de la découverte des violences sexuelles qui sont faites aux hommes. Il faut en parler. »
«Ça n’arrive pas qu’en prison»
Pour porter cette intrigue à l’écran, Jérôme Bertin a questionné des victimes, écouté leur histoire. Tous ont dit leur honte, leur sentiment de culpabilité, alors qu’ils n’y sont pour rien. « J’ai été en contact avec cinq hommes violés, raconte le comédien. C’est difficile pour eux d’en parler. Je n’ai pas envie de les trahir. Je veux qu’ils se reconnaissent. » De ces échanges, il garde un souvenir vif. « Je ne vous cache pas que c’était… ». Jérôme Bertin souffle. Sa phrase reste en suspens. « Dans toute agression sexuelle, il y a un degré de violence très haut. » Et les mots prononcés par l’agresseur, impossible à effacer.
Dans la séquence, dont des extraits circulent déjà sur le site de France.tv, on voit le commandant Patrick Nebout se faire agresser. « Il pense qu’il va se faire tuer. Jusqu’au moment où il comprend qu’il va devoir faire quelque chose qui va le détruire. C’est comme une deuxième agression. » Avec laquelle il faudra vivre. « Il n’était pas question de jouer les choses à moitié, poursuit Jérôme Bertin qui n’en a pas dormi pendant un mois, et je pense qu’elle fonctionne très bien, cette séquence. Elle est forte, elle est vraiment forte, dans ce que peut être une agression sexuelle. »
Plus que tout, le comédien espère libérer la parole des victimes murées dans le silence. « Ce que j’ai ressenti, c’est qu’à partir du moment où ils parlent, où ils sont capables de surmonter la honte, ils ont pu se reconstruire. Ils n’effacent pas le traumatisme, ça fait partie de leur identité, mais ça n’est plus seulement vécu comme une souffrance, ça peut devenir une force. » Anya Tsai, fondatrice des Résilientes, elle-même victime de viol et spécialisée en résilience après des violences sexuelles, vient de publier un livre dans ce sens, « l’Or de nos cicatrices » (Ed. First). Autre enjeu : faire prendre conscience que « ce n’est pas un épiphénomène. Ce n’est pas un petit truc. Ça n’arrive pas qu’en prison. » Choisir le commandant Nebout, un homme hétéro, viril, père de famille, « celui qui a arrêté l’Enchanteur », pour incarner cette histoire revient à dire « ça arrive à tout le monde ».
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Aborder les violences sexuelles faites aux hommes, à l’heure du dîner, dans une série populaire regardée par plus de 3 millions de téléspectateurs, l’ambition est immense. Et salutaire. « Il va y avoir une discussion dans les familles, à table. Plus belle la vie ne réglera pas la question des violences sexuelles seule, mais elle peut la faire exister médiatiquement », espère encore le comédien, qui s’attend aussi à des réactions négatives.
Près de quatre ans après le raz de marée essentiel du mouvement #MeToo, il est temps d’ouvrir les yeux sur une autre réalité, tout aussi sordide. Aujourd’hui, Jérôme Bertin le martèle avec flamme : « Le viol n’a pas de sexe. Les violences sexuelles n’ont pas de sexe. Il faut arrêter d’opposer les femmes et les hommes. La chose qu’il faut dénoncer, ce sont les agressions sexuelles. On a besoin d’être tous ensemble pour régler ce problème. »
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