Jouez, il n'y a pas faute
Un simulacre d’excuses, plusieurs approximations et des justifications douteuses. Mais au moins au cours de son audition jeudi devant le Sénat, Didier Lallement aura reconnu «à l’évidence un échec» dans le fiasco de la finale de la Ligue des champions du 28 mai dernier. Quelques jours après les explications brumeuses des ministres de l’Intérieur Gérald Darmanin et des Sports Amélie Oudéa-Castéra du 1er juin, les éclaircissements du préfet de police de Paris à la commission des lois de la chambre haute étaient attendues.
La remise en question publique n’est généralement pas sa tasse de thé. Mais soumis aux questions des sénateurs, même lui n’a pu nier. Au cours de ses deux heures d’audition, le préfet a présenté des «regrets sincères» envers les supporters de Madrid et Liverpool, en leur promettant de tout faire «pour retrouver les coupables et les présenter à la justice». Il a aussi répété «assumer en totalité la responsabilité de la gestion policière» de la journée du 28 mai, conscient «que l’image de la France a été atteinte», tout en insistant sur le fait que sans l’action des forces de l’ordre, «un drame aurait pu se produire».
S’il a eu beau promettre de «clarifier les choses» en préambule, demeure cette impression de ressortir de l’audience avec toujours autant de zones d’ombre, notamment sur la préparation de l’événement. Le préfet est notamment revenu sur l’estimation des 30 000 à 40 000 personnes venues sans ou avec des faux billets. Ce chiffre, c’est bien lui qui l’a «donné au ministre» de l’Intérieur Gérald Darmanin, et il l’assume «complètement». Didier Lallement reconnaît cependant s’être «peut-être trompé. Je n’ai jamais prétendu qu’il était à quelques milliers parfaitement juste», a-t-il avoué. Avant de balayer ces estimations : «Qu’il y ait 40 000, 30 000 ou 20 000, ça ne changeait rien au fait qu’il y avait des dizaines de milliers de personnes susceptibles de rentrer dans le dispositif. Les compter à 5 000 près n’avait aucune importance».
Autre précision de l’homme à la casquette : le fait que ce groupe de personnes ne se trouvait pas «sur le parvis, aux abords stricts du stade», mais «au-delà des barrages que nous avions», ce qui tendrait à expliquer pourquoi les observateurs présents à proximité de l’enceinte n’auraient pas vu cette masse informelle. Quant à l’absence d’interpellation de personnes détentrices de faux billets, Didier Lallement dit avoir pris lui-même cette décision, «puisque aucun élément en la matière sur le plan pénal ne permettait de le faire».
Pas de remise en cause du «schéma de maintien de l’ordre»
Relancé à de multiples reprises par les sénateurs sur l’usage de gaz lacrymogène sur les supporters, il rétorque que son emploi était «le seul moyen policier pour faire reculer une foule sauf à la charger», ce qui aurait été une «erreur grave», a-t-il insisté. Tout en ayant «bien conscience que des personnes de bonne foi ont été gazées, et j’en suis totalement désolé».
Contrairement à Gérald Darmanin une semaine plus tôt, qui disait envisager une utilisation «différente» des lacrymo lors d’«événements exceptionnels», Didier Lallement, droit dans ses bottes, ne prévoit pas de remise en cause du «schéma de maintien de l’ordre». Et quand une sénatrice lui demande quelles leçons il tire «à titre personnel» de ce ratage au Stade de France, le préfet de répondre avec sa plus belle morgue : «je suis haut fonctionnaire, révocable tous les mercredis [en Conseil des Ministres]… C’est quoi votre problème ?»
Les commissions de la Culture et des Lois entendront ensuite une représentante de la Fédération française de football en début d’après-midi, puis le maire de la métropole de Liverpool, Steve Rotheram. La semaine dernière, c’étaient le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et la ministre de Sports Amélie Oudéa-Castéra qui étaient passés sur le gril du Sénat.
Mise à jour : à 13 h 24, avec des précisions sur les déclarations de Didier Lallement.
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